Le divorce par consentement mutuel "sans juge" : vademecum
La loi de modernisation de la justice, dite J21, a été définitivement adoptée par l’assemblée nationale, en seconde lecture, le 12 octobre 2016. Elle a été ratifiée par la loi du 18 novembre 2016.
S’agissant de la réforme du divorce par consentement mutuel, l’assemblée nationale a rétabli le texte adopté en première lecture, sans retenir aucune des modifications proposées par le Sénat. Les recours devant le conseil constitutionnel ont été rejetés. C’est l’article 50 qui s’applique au divorce, les dispositions transitoires étant prévues à l’article 114.
Le texte a été adopté sans aucune concertation réelle et pose d’ores et déjà des réelles difficultés pratiques (par exemple, l’introduction du délai de réflexion de 15 jours semble rendre impossible toute modification ultérieure de l’acte sans envoi d’une nouvelle LRAR et nouveau délai de 15 jours)
Cette réforme prévoit à titre principal la modification de l’article 229 du Code civil et la création d’une nouvelle forme de divorce, nommé, par souci de simplicité, le « divorce sous seing privé », la modification d’un certain nombre de textes du CPC ou des différends codes concernés par la matière (code pénal, CGI, Code des voies d’exécution), de façon à rendre le divorce et ses mesures accessoires exécutoires.
La réforme prévoit donc, en son article 229 :
- Soit que les époux se divorcent par consentement mutuel (alinéa 1)
- Soit que le Tribunal prononce le divorce, soit par consentement mutuel lorsqu’un enfant demande son audition, soit pour acceptation du principe de la rupture, altération définitive du lien conjugal, ou pour faute (alinéa 2)
Elle contractualise par ailleurs les conséquences du divorce, qui sont désormais soumises à la seule volonté des époux sans aucun contrôle du juge, sous réserve du respect des dispositions d'ordre public.
A ce jour, le décret d'application n'est toujours pas connu dans sa forme définitive, mais uniquement à travers le projet du 16 novembre 2016.
En l’état de la loi :
Le recours à cette nouvelle forme de DCM est obligatoire, il n’y a pas d’option possible, il est simplement fait interdiction d’y recourir lorsque l’un des époux se trouve placé sous un régime de protection ou lorsque l’un des enfants demande à être entendu par le juge (article 229-2). Le texte précise que le mineur est « informé par ses parents ». Le divorce par consentement mutuel est donc désormais déjudiciarisé, sans qu’il soit réservé le cas des divorces avec des enfants mineurs.
L’obligation pour chacun des époux d’avoir son propre avocat est prévue par l’article 229-1 du Code Civil, leur accord étant constaté par une « convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374[1] », il s’agit donc d’un acte avocat, avec les conséquences qui s’y attachent : il fait foi quant à la signature, de telle sorte que la responsabilité de celle-ci repose sur l’avocat et non pas sur le notaire, qui n’a pas à la contrôler ni à la vérifier.
La convention mentionne (article 229-3) :
- Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leur enfants ;
- Le nom, l’adresse professionnelle, la structure d’exercice professionnel des avocats ainsi que le barreau d’inscription,
- La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention,
- Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire ;
- L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ;
- La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
L’avocat adresse à l’époux qu’il assiste, par LRAR, un projet de convention qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la réception (229-4).
Toujours selon l’article 229-1, « la convention est déposée au rang des minutes d’un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles prévues aux articles 1 à 6 de l’article 229.3 : nom, prénom, date et lieu de naissance, date et lieu du mariage, indications identiques pour les enfants) et vérifie que le projet n’a pas été signé avant l’expiration d’un délai de reflexion de 15 jours, prévu à l’article 229-4. »
Le notaire n’a donc aucun contrôle à exercer tant sur le fond de la convention, que sur le partage qui lui est soumis. C’est un contrôle formel et les observations qui ont pu être faites par Stéphane David sur ce point ne me paraissent pas devoir être suivies.
L’article 229-1 ajoute que « le dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ».
229-4 ajoute « la convention a force exécutoire au jour où elle acquiert date certaine ».
La convention a donc date certaine et force exécutoire au jour de son dépôt.
La possibilité d’une passerelle vers cette nouvelle forme de divorce par consentement mutuel est mentionnée l’article 247-1, ce qui signifie que la passerelle effectuée directement à l’audience n’est plus possible.
L’article 260 qui prévoyait que le mariage était dissous par le jugement prononçant le divorce, comporte un nouvel alinéa ajoutant que le mariage est dissous par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresignée par les avocats à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire.
L’article 262-1, qui précise la date à laquelle le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre époux comporte un alinéa précisant que le DCM déjudiciarisé prend effet entre époux « à la date à laquelle cette convention acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ».
Le code des procédures civiles d’exécution est modifié de façon à permettre les mesures de paiement direct pour les pensions alimentaires constatées par un acte authentique. L’article L213-1 CPCEX comporte en effet l’insertion de la mention suivant laquelle le paiement direct est possible lorsque la pension a été fixée par une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocat, déposé au rang des minutes d’un notaire, ou un acte reçu en la forme authentique par le notaire.
L’article 50 de la loi J21 modifie par ailleurs l’article 199 octodécies du CGI pour ouvrir droit à la réduction d’impôt sur le revenu à hauteur de 25% de la somme versée à la prestation compensatoire versée en conséquence d’un divorce par consentement mutuel sous seing privé.
La loi modifie également l’article 1691 bis, II, 1, pour autoriser les époux divorcés en vertu d’une convention sous seing privé à bénéficier du droit de demander à être déchargé de la solidarité de paiement de l’impôt lorsqu’à la date de leur demande, la convention a été déposée.
Pour mémoire, les époux sont tenus au paiement solidaire de l’impôt sur le revenu et cet article permet aux époux de demander à être déchargés de la solidarité fiscale lorsqu’à la date de leur demande le jugement de divorce a été prononcé.
Le projet de décret (en l’état de celui dont je dispose, il y en aurait plusieurs) prévoit diverses modifications du CPC :
- Ne prévoit aucune compétence territoriale, celle-ci a donc disparu avec la compétence judiciaire
- Prévoit des mesures destinées à permettre l’exécution transfrontalière du divorce : c’est le notaire qui délivre le certificat qui est délivré à défaut par la juridiction (nouvelle rédaction de l’article 509-3)
- Insère au CPC un chapitre V, réservé au DCM/ASPCPADRMN qui prévoit :
- Que la convention doit préciser le nom du notaire où le dépôt sera réalisé (article 1143)
- Qu’en cas d’attribution de bien ou de droit à titre de prestation compensatoire, la convention doit comporter les mentions prévues à l’article 1080 CPC (en préciser la valeur, notamment et voir la question de la publicité foncière avec JB), article 1143-1.
- Qu’en cas de prestation compensatoire sous forme de rente viagère, la convention doit rappeler expressément les modalités de recouvrement, les règles de révision de la créance et les sanctions pénales encourues (1143-2)
- Qu’à la convention doit être annexé le formulaire d’information de l’enfant mineur de son droit à être entendu, dont le modèle est fixé par arrêté du ministère de la justice (1143-3) et que le formulaire doit être complété par le mineur (article 1145)
- Que les frais sont partagés par moitié entre les époux, sauf si leur convention en dispose autrement et sous réserve d’une aide juridictionnelle (1143-4).
- Que la convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble, en trois exemplaires, outre un quatrième lorsqu’elle comporte un état liquidatif du régime matrimonial (ce qui est obligatoire en matière de DCM). Chaque époux conserve un exemplaire de la convention revêtu des 4 signatures, le 3e est destiné à son dépôt au rand des minutes du notaire et le dernier aux formalités d’enregistrement prévues au dernier alinéa de l’article 1147 (article 1144). Comme cette formalité est obligatoire (conf. article 1147), il faut donc 4 exemplaires.
- La convention est transmise au notaire par l’avocat de la partie la plus diligente, accompagnée le cas échéant du formulaire d’information du mineur, aux fins de dépôt au rang de ses minutes dans un délai de 7 jours suivant la date de la convention, le délai d’enregistrement pour le notaire étant de 15 jours (article 1145)
- Mention du divorce est portée en marge de l’acte de mariage ainsi que de l’acte de naissance à la requête de l’avocat ou de l’intéressé, au vu de l’attestation de dépôt délivrée par le notaire, qui mentionne l’identité des époux et la date du dépôt ayant conféré force exécutoire à la convention de divorce (1146). Si le mariage est célébré à l’étranger, sans transcription, la mention est faite sur l’acte de naissance de l’époux s’il est conservé sur un registre français.
- Il est justifié du divorce à l’égard des tiers par la production de l’attestation de dépôt délivrée par le notaire (1147). Le notaire transmet la convention accompagnée d’une attestation de dépôt aux services des impôts en vue de son enregistrement.
- Lorsqu’un enfant mineur demande son audition, il n’est pas possible pour le notaire de déposer la convention au rang de ses minutes (1148). Dans ce cas, la juridiction est saisie dans les conditions fixées aux articles 1088 à 1092.
- L’article 1092 précise que le juge, après avoir procédé à l’audition du mineur, dans les conditions prévues à l’article 338-6 et suivants ou, en l’absence de discernement, avoir refusé son audition, il convoque chacun des époux par lettre simple expédiée au moins 15 jours avant la date qu’il fixe pour leur audition. Il avise LE ou LES avocats.
- décembre 2024
- LE DIVORCE DU CHEF D’ENTREPRISE ET DES PROFESSIONS LIBERALES, UNE SPECIALITE QUI NE S’IMPROVISE PAS !
- Rappel sur les modalités de consultation des revenus du débiteur ou du créancier d'une pension aux impôts
- Le régime primaire français s'applique-t-il aux époux résidant en France mais qui sont soumis à un régime matrimonial étranger ?
- La possession des clés par l’époux non attributaire de la jouissance du logement au titre des mesures provisoires exclut-elle l’indemnité d’occupation : non !
- La possession des clés par l’époux non attributaire de la jouissance du logement au titre des mesures provisoires exclut-elle l’indemnité d’occupation : non !