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SCI, famille et divorce

Le 21 juillet 2016

La SCI et la famille

Divorce, succession

 

Le ou les gérants de la SCI sont désignés par les statuts ou par une décision d’assemblée. Le gérant peut, sauf disposition plus contraignante des statuts, accomplir tous les actes de gestion requise par l’intérêt de la société (article 1848 al. 1), ce qui peut inclure les actes de disposition. Si le gérant viole une clause restreignant ses pouvoirs ou agit en violation de l’intérêt de la société, il en répond devant les autres associés par la possibilité de se voir condamné à leur verser des dommages et intérêts. A l’égard des tiers, le gérant engage la société par tous les actes entrant dans l’objet social. La durée de la SCI est librement fixée par les associés.

 

Les intérêts de la SCI sont multiples, puisqu’elle permet d’échapper aux règles de l’indivision classique ou d’aménager son régime matrimonial en soumettant le bien à des règles fixées par les statuts de la société. Le concubin peut également, via les statuts de la SCI, bénéficier d’un droit au maintien dans les lieux jusqu’à son propre décès, sans avoir à supporter des droits de succession, via l’insertion d’un démembrement croisé des parts de société ou l’insertion d’une clause de tontine dans les statuts.

 

Le domicile conjugal détenu via une SCI prive le conjoint survivant de ses droits légaux sur la bien, jouissance gratuite durant l’année du décès et droit viager d’habitation. Si les époux sont soumis à l’ISF, l’abattement de 30% sur la résidence principale ne s’applique pas aux parts de SCI.

 

La SCI permet aussi de pratiquer une décote sur la valeur du patrimoine transmis et d’étaler les transmissions dans le temps.

 

La SCI, instrument de gestion du patrimoine, présente cependant des risques lors du divorce notamment lorsqu’aucune clause n’a été insérée dans ses statuts pour anticiper la gestion d’une éventuelle crise conjugale.

 

La SCI est en effet une personne morale, un tiers par rapport aux époux qui détiennent simplement des parts sociales, soit de manière conjointe, soit de manière indivise, soit de manière individuelle. Selon le régime matrimonial, ces parts pourront être communes, propres ou personnelles, mais si elles sont communes, en application de la distinction entre le titre et la finance, seul l’époux titulaire des parts aura la qualité d’associé et pourra se voir attribuer les parts dans le partage. Lui seul peut également participer à la vie de la société. Si les deux époux sont associés, les parts sociales pourront être attribuées à l’un ou à l’autre.

 

La SCI étant un tiers par rapport aux époux, les règles de l’article 255 du Code Civil, applicables aux époux dans la procédure de divorce ne lui seront pas applicables :

-          Si le domicile conjugal est détenu par l’intermédiaire d’une SCI, le juge conciliateur ne peut statuer sur l’attribution de sa jouissance, sauf s’il existe entre la SCI et les époux un lien contractuel d’occupation (bail, convention d’occupation précaire à titre onéreux ou gratuit, clause des statuts prévoyant l’occupation gratuite ou onéreuse, décision de l’assemblée générale). Le juge ne peut pas d’avantage se prononcer sur le caractère gratuit ou onéreux de l’occupation.

-          Le juge ne peut statuer sur l’attribution du passif de la SCI, les seules dettes dont le juge conciliateur peut attribuer la prise en charge à l’un ou l’autre des époux étant les dettes communes ou indivises des époux, or les dettes de la SCI sont les dettes d’un tiers. Le juge peut seulement, dans ce cas, constater l’accord d’un ou des époux pour prendre en charge les dettes.

-          Le juge peut attribuer la jouissance ou la gestion des parts communes ou indivises, en application des dispositions de l’article 255-8, mais les sommes touchées par l’époux gérant seront réintégrées dans les comptes entre époux au moment de la liquidation

 

Le Juge conciliateur n’ayant que très peu de pouvoirs sur les SCI, comment remédier aux situations de blocage si celles-ci n’ont pas été prévues par les statuts ?

-          La désignation d’un administrateur provisoire pourra être nécessaire lorsque les époux, cogérants, ont des pouvoirs concurrents ou lorsque l’époux gérant use de ses pouvoirs dans son seul intérêt. Il est alors possible de demander que les frais d’administration soient mis à la charge du gérant responsable de la nomination de l’administrateur. Cette désignation peut être sollicitée auprès du JAF, sur le fondement de l’article 220-1 CC (Civ., 1e, 5 nov. 1996, 94-14.160, Versailles, 2e ch. Section 1, 21 nov. 2013, RG 13/01187). Le juge des référés peut également être saisi en application de l’article 808 CC, à condition d’établir que la mésentente entre les époux aboutit à une situation de blocage puisque les décisions exigent l’unanimité. L’administrateur aura pour mission de gérer la société dans l’intérêt de cette dernière, avec tous les pouvoirs du gérant, mais sa mission peut également être limitée au cas d’espèce.

-          L’utilisation du compte courant d’associé : le compte courant d’associé est un prêt accordé par un des associés à la société, qui effectue un versement au profit de la société. Ce versement va être inscrit dans les livres de la société, par une écriture qui crédite le compte de l’associé. L’associé peut les retirer à tout moment, sur simple demande, sauf convention contraire. Les virements effectués par un époux sur le compte de la SCI, par exemple pour régler le crédit ayant servi à financer le bien immobilier, seront donc récupérables par l’époux qui les a réalisés sans qu’ils soient couverts par la notion de contribution aux charges du mariage ou de devoir de secours, de même que toutes les dépenses complémentaires (eau. Taxes, EDF…) Aucune exécution forcée n’est possible pour exiger cette prise en charge. Demander le paiement de son compte d’associé peut contraindre à la vente forcée du bien, mais si l’époux qui la demande est gérant, il est préférable qu’il sollicite au préalable la désignation d’un administrateur provisoire sauf à ce que sa demande s’analyse comme une faute de gestion.

-          L’abus d’égalité, de minorité, ou de majorité : lorsque l’un des époux, majoritaire, prend des décisions à son seul avantage, l’abus de majorité sera constitué si les décisions sont contraires à l’intérêt de la société et prises exclusivement dans son intérêt personnel au détriment de celui des associés minoritaires. L’exemple est la mise en réserve systématique des bénéfices alors que la société n’a aucun investissement à faire. L’abus de majorité ainsi avéré sera sanctionné par des dommages et intérêts ou par la nullité des décisions (article 1844-10 CC). L’abus d’égalité est constitué si les associés ont le même nombre de parts mais que l’un d’entre eux empêche toutes le décisions, malgré leur caractère d’urgence ou de nécessité et il sera possible d’y palier par la désignation d’un administrateur provisoire, avec en outre possibilité de sanctionner la résistance abusive par l’utilisation des dispositions de l’article 1382 CC. L’abus de minorité intervient lorsque l’associé minoritaire s’oppose systématiquement aux décisions qui requièrent l’unanimité et de manière abusive. Le Juge peut alors désigner un mandataire ad hoc pour voter au nom de l’associé minoritaire sans que le juge puisse toutefois imposer au mandataire le sens du vote.

-          Dissolution pour mésentente : c’est l’hypothèse dans laquelle la mésentente paralyse la société et l’article 1844-7, 5e CC prévoit la possibilité pour le juge de prononcer la dissolution de la SCI.

 

Au moment du prononcé du divorce :

-          Le Juge peut attribuer préférentiellement les parts de SCI abritant le domicile conjugal (831-2 CC, Civ. 1e, 24 octobre 2012, 11-20.075, article 14 de la loi 61-1378 du 19/12/61), étant précisé que cette attribution peut également être prévue par les statuts de la SCI

-          Les époux peuvent, par leur convention de divorce par consentement mutuel, convenir de l’attribution de parts de SCI à titre de paiement de la prestation compensatoire. Le juge semble pouvoir également l’ordonner dans le cadre du divorce contentieux, avec les réserves posées par le conseil constitutionnel, la jurisprudence et la lettre de l’article 274 du Code Civil. Il semble qu’il soit possible de faire de même s’agissant du compte courant d’associé.

 

Au moment de la liquidation :

-          Si les parts sont communes, le juge de la liquidation peut les attribuer à l’un ou à l’autre des époux si tous les deux sont associés. Si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens et sont seulement associés, le juge ne peut pas le faire et les ex-époux demeureront associés.

-          Les comptes sont à effectuer avec la société et non pas entre époux, la société étant un tiers. L’époux qui a réglé au-delà de ses droits dans le capital social peut-il revendiquer une créance ? En vertu de l’article 1315 CC, il appartient alors à celui qui se prétend créancier d’apporter la preuve de sa créance, aussi bien en son principe qu’en son montant, sans possibilité d’invoquer les dispositions de l’article 1348 CC, s’agissant d’une créance contre un tiers.

-          L’époux qui aura payé plus que sa part peut cependant faire inscrire sa créance dans son compte d’associé.

-          Le principe de la revalorisation des créances ne peut trouver à s’appliquer, s’agissant d’une créance contre la société, elle devra donc être remboursée pour sa valeur nominale, sauf disposition contraire dans les statuts. Mais la jurisprudence applicable au remboursement du crédit immobilier par un époux ne paraît pas devoir s’appliquer en l’espèce et faire obstacle au remboursement de l’époux qui l’aurait financé seul.

 

 

 

 

Le sort de la société :

Les ex-époux peuvent décider, conjointement ou séparément, de dissoudre la société de manière anticipée pour mésentente, moyenant la procédure décrite ci-dessus. L’un des époux peut également décider de son retrait anticipé de la société, selon l’article 1869 CC. Ce retrait peut être prévu par les statuts, et il est à défaut subordonné à l’autorisation des associés, unanime ou non selon les statuts. A défaut d’accord, il est possible de procéder au retrait judiciaire, avec de “justes motifs” qui relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond et sous réserve des dispositions des statuts. L’effet du retrait est le droit pour l’associé retrayant au remboursement de la vlaeur de ses droits sociaux par la société, ce qui conduira à une annulation de parts et à une réduction du capital social, ou par un associé qui rachète ses parts. Les parts peuvent faire l’objet d’une évaluation amiable ou moyennant une expertise (article 1843-4 CC), à la date la plus proche du remboursement. L’associé peut alors demander le remboursement de ses apports, sauf clause contraire des statuts. Enfin, il peut y avoir dissolution de la société pour extinction de l’objet social selon un arrêt de la Cour d’appel de Pau (Pau, 23 janvier 2006, Dr. société 2006) et l’article 1844-7-2 CC.

 

AJ Famille, Dalloz, Avril 2014